Des Assises ouvertes à l’ensemble des acteurs de l’aménagement des territoires et du cadre de vie

Les 3 et 4 juillet derniers, les Assises Nationales de la Sobriété Foncière ont rassemblé plus de 110 intervenants de renom. Urbanistes, paysagistes, architectes, élus nous ont fait partager leurs visions et leurs solutions pour mettre en place la stratégie de sobriété foncière imposée par la loi « Climat et Résilience ». Tour d’horizon de leurs propos. […]

Actualités

Les 3 et 4 juillet derniers, les Assises Nationales de la Sobriété Foncière ont rassemblé plus de 110 intervenants de renom. Urbanistes, paysagistes, architectes, élus nous ont fait partager leurs visions et leurs solutions pour mettre en place la stratégie de sobriété foncière imposée par la loi « Climat et Résilience ». Tour d’horizon de leurs propos.

La loi « Climat et Résilience » impose une nouvelle stratégie de sobriété foncière construite sur la trajectoire Zéro Artificialisation Nette (ZAN). Elle exige de repenser collectivement notre rapport au foncier afin de trouver de nouveaux outils d’aménagement qui permettront de continuer à développer les territoires sans consommer de nouveaux espaces, et tout en concevant des cadres de vie durables et humainement acceptables.

Entendre tous les points de vue pour faire fructifier l’intelligence collective

24000 hectares d’espaces naturels, agricoles et forestiers (Enaf) ont été urbanisés chaque année en France lors de la dernière décennie.

Conscients des enjeux liés à la trajectoire ZAN, les géomètres-experts ont souhaité ouvrir, pour la première fois, leur congrès aux acteurs de l’aménagement des territoires et du cadre de vie. Séverine Vernet, Présidente du Conseil supérieur de l’OGE a rappelé que « l’objectif de ces Assises était de réfléchir collectivement à la meilleure manière d’appliquer la loi et trouver des solutions pour faire de la trajectoire de sobriété foncière une opportunité et non pas une contrainte pour les territoires ». Elle ajoute qu’« il s’agit d’un sujet qui va bien au-delà du foncier. La sobriété foncière impacte évidemment le secteur de la construction, mais c’est toute la filière de l’aména­gement qui est amenée à revoir ses pratiques ». Philippe Pacaud, rapporteur général des Assises, d’ajouter : « Notre profession est indispensable à la mise en œuvre de la sobriété foncière, mais nous n’avons pas voulu nous contenter de ce constat. C’est pourquoi nous avons choisi de nous ouvrir aux autres acteurs tout en nous positionnant comme force de proposition ».

C’est ainsi qu’ont pu être entendus à l’occasion de ces Assises des urbanistes, des paysagistes, des architectes, des juristes, des élus, agents de l’Etat et des collectivités territoriales…

Des prises de parole variées et complémentaires pour enrichir le débat

C’est Nicolas Vanier, qui a ouvert ces Assises lors de la séance consacrée au « Contexte mondial et à l’approche comparée des straté­gies de sobriété foncière ». L’explorateur est venu à la rencontre des acteurs de l’aménagement des territoires et du cadre de vie pour témoigner de ses observations et des évolutions du dérèglement climatique : « Ce que j’ai vu ces dernières années sous l’in­fluence du réchauffement, c’est un permafrost qui s’effondre, des forêts entières qui se couchent et des villages qui disparaissent ». Aux participants, il a adressé une injonction à l’action. Pour autant, estime-t-il, « ce n’est pas sous le joug d’une écologie punitive que nous parviendrons à redresser la barre. Il faut faire avec la planète sur laquelle nous vivons, cesser de conjuguer uniquement le verbe avoir et adopter la sobriété dans toutes nos activités ».

Si la sobriété foncière est un moyen de contenir l’étalement urbain et de préserver les terres agricoles et de répondre ainsi au défi du changement climatique, il faut aussi proposer des villes habitables et favoriser le vivre-ensemble.

Si les élus locaux sont majoritairement favorables à la sobriété foncière, ils sont partagés sur l’application de la trajectoire ZAN à l’échelle de leur territoire. Se pose aussi, pour leurs administrés, la question d’acceptabilité des nouvelles mesures. Ce que confirme l’enquête « que pensent les français de la sobriété foncière », réalisée par Opinionway pour l’OGE (Lire l’article consacré à ce sujet).

Pour Jean-Baptiste Blanc, le sénateur du Vaucluse, rapporteur de la mission ZAN au Sénat « Les élus n’ont pas l’ingénierie, ils ne sont pas à égalité avec l’Etat pour appréhender cet objectif. Ils n’ont pas les outils juridiques et financiers. De fait l’Etat applique la même règle partout. Il y a pourtant une nécessité de faire du cas par cas ».

Des propos étayés par Michel Parent, Président de la Communauté de commune de l’ile d’Oléron « Je le dis brutalement : une application en 2050 du ZAN me semble impossible. C’est même une bêtise si on veut l’appliquer de façon uniforme sur le territoire national ». David Lisnard, Maire de Cannes et Président de l’Association des Maires et des Présidents d’intercommunalité (AMF) a confirmé que « la méthode qui impose aux collectivités une réglementation conçue et formalisée à Paris pour être ensuite appliquée indif­féremment selon les territoires ne marchera pas». « Le ZAN tel qu’il est conçu aujourd’hui est une usine à gaz, dont nous dénonçons les risques depuis un bon moment au sein de l’AMF », a averti le Président de l’AMF, qui plaide pour l’instauration d’un système de bonus-malus.

A chaque territoire, ses propres enjeux de sobriété foncière

Densification des zones rurales et périurbaines ou urbaines, recul du trait de côte en zone littorale ou préservation de la biodiversité. Chaque territoire à ses propres enjeux et ses propres thématiques :

  • A Aix-en-Provence, la densification urbaine était au cœur des débats. Pour Rudy Riccioti, l’architecte du Mucem, « il y a des chantiers plus urgents que la densification.Les zones commerciales sont la somme de tous les scandales. C’est un potentiel énorme à exploiter ».
  • A Epernay, les participants se sont questionnés sur comment réussir à concilier enjeux environnementaux, économiques et qualité de vie, ou encore comment changer le modèle d’urbanisation en vigueur depuis de nombreuses années ? La densification douce était à l’honneur.  « On peut densifier en utilisant la démarche Bimby (built in my back yard, ou construire dans mon jardin). Ou encore transformer le bâti vacant, dégradé, ou bien très grand, en plusieurs logements. Dans l’aggloméra­tion d’Epinal, on a apporté de l’ingénierie sous forme d’un conseil gratuit et neutre. C’est la collectivité qui a financé le projet avec le soutien de la Région et du Département. Ces opérations devraient être généralisées à l’ensemble du terri­toire. Ce serait un élément important dans la résolution de la problématique de la disponibilité foncière » a expliqué Michel Heinrich, Président du syndicat Scot des Vosges centrales et de la communauté d’agglomération d’Epinal.
  • A Fort-de-France, dont la séance locale était consacrée à la sobriété foncière en milieu forestier et biodiversité, les intervenants ont pu rappeler à quel point les écosystèmes peuvent être fragilisés par l’aménagement du territoire et ont invité les géomètres-experts à s’en éloigner lorsqu’ils aménagent.
  • A La Rochelle, la question consistait à concilier le développement des villes littorales avec le recul du trait de côte et les exigences de la sobriété foncière ? Alors que la population littorale dans l’hexagone est de huit millions d’habitants, qu’elle continue d’augmenter, et que 500 000 bâtiments sont, ou seront, concernés par l’érosion et la submersion en 2100, les intervenants se sont interrogés sur les solutions durables et socialement acceptables à mettre en œuvre pour assurer leur protection et la sécurité des habitants.

Faire de la sobriété foncière une opportunité pour répondre aux enjeux du dérèglement climatique,  trouver des solutions humainement acceptables et adaptées à chaque territoire… Voici le défi auquel tous les acteurs de l’aménagement du territoire et du cadre de vie ont dû répondre lors des Assises Nationales de la Sobriété Foncière. Des débats riches et parfois mouvementés auxquels les géomètres-experts ont su répondre en formulant 17 propositions pour garantir des cadres de vies toujours plus durables (Lire l’article consacré aux 17 propositions). La sobriété foncière et la trajectoire ZAN sont l’affaire de tous, une conviction partagée par les géomètres-experts qui entendent éclairer les pouvoirs publics avec des solutions concrètes, cohérentes et conciliant les besoins et les envies de tous les acteurs des territoires, d’aujourd’hui et de demain.

Ils l’ont dit

Séverine Vernet

Présidente de l’Ordre des géomètres-experts

« Il n’y aura de trajectoire sobriété foncière efficace et humainement acceptable sans les acteurs du foncier que nous sommes ».

Nicolas Vanier

Aventurier, écrivain et réalisateur

« Le risque que nous courons aujourd’hui est celui de devoir faire face à l’explosion d’une bombe climatique. Aussi, je voulais féliciter votre profession pour avoir choisi de faire la promotion de cette trajectoire de sobriété ».

Jean-Baptiste Blanc

Sénateur du Vaucluse, rapporteur de la mission ZAN au Sénat

« Il faut muscler les établissements publics fonciers, créer des foncières, faire porter l’ingé­nierie par les CAUE, les agences d’urbanisme et accompagner les collectivités sur la question financière et fiscale. Il faut aussi intégrer la santé des sols dans une optique de management des territoires ».

David Lisnard

Président de l’AMF

« Le ZAN tel qu’il est conçu aujourd’hui est une usine à gaz, dont nous dénonçons les risques depuis un bon moment au sein de l’AMF ».

Michel Heinrich,

Président de la Fédération des Scot et de la communauté d’agglomération d’Epinal

« La loi telle qu’elle est conçue nous oblige à faire bouger nos territoires, aménager autrement. Choisir pour ne pas subir ».

François Blanchet

Maire de Saint-Gilles-Croix-de-Vie

« Sur le littoral, c’est la triple voire la quadruple peine ! Quand on superpose les cartes de notre PLU, de nos zones classées ABF, du PPRL, des zones naturelles, etc., c’est un véritable casse-tête. La vraie question, c’est comment on fait aujourd’hui pour réaliser nos projets, et pour les faire accepter par nos populations »

Michel Parent

Président de la communauté de communes de l’île d’Oléron

« Nous, on est un territoire insulaire. On ne va pas se délocaliser dans l’arrière-pays : on n’a pas d’arrière-pays ! Est-ce qu’on a une solution sur notre territoire propre ? Non, parce que 80% du territoire est classé au titre des espaces naturels. Alors, que faire ? ».

Patrick Marengo

Maire de Royan

« Dans le cadre de nos prochains PLU, il faudra en venir à cette cartographie des zones d’exposition au recul du trait de côte à court terme (0-30 ans) et à long terme (30-100 ans) prévue par la loi Climat et Résilience, afin que les personnes qui ont des projets immobiliers au plus près de la mer arrivent à se projeter. Plus largement, l’absence de réserve foncière stratégique nous impose de penser l’occupation de l’espace différemment ».

Philippe Pacaud

Géomètre-expert,

Rapporteur général des Assises Nationales de la Sobriété Foncière

« Nous ne sommes que des co-locataires de notre Terre ».

création Vigicorp